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Bel appartement clé-sur-porte

Ce spectacle de marionnettes nous plonge dans cet univers feutré et pourtant poétique d’un immeuble. Immeuble, sous surveillance caméras,où vivent sans se côtoyer de biens pittoresques personnages haut en couleur. Personnages que nous suivons au rythme quasi tyrannique d’un rappel à l’ordre,. Et la magie est là, opérante malgré le cloisonnement, l’isolement, le replis sur soi. Car il est bien question d’isolement, de routine, de solitude, de manque, de contrôle, de discipline, de liberté et de soif de se rencontrer. Il est question d’aventure humaine, où les chemins se croisent, la vie emportant tout sur son passage. L’ordre rigoureux, matérialiste et performant laisse peu de place à la fantaisie. À la vie de reprendre ses droits, aux êtres humains de les revendiquer.

Diverses problématiques sociales sont soulevées de manière poétique, drôle et tendre à la fois. Il est dès lors facile de transposer le contexte au cadre des institutions gériatriques. Un immeuble ou une maison de repos, c’est un peu la même chose. Le même sentiment d’isolement, de peur de l’autre et cette peur de l’inconnu. L’organisation des journées institutionnelles laisse peu de place à la fantaisie, à l’oisiveté, et contrarie hélas bien trop souvent le rythme plus lent des séniors. seniors qui vivent au rythme militaire d’une pendule. Mais il est également question d »envie de communiquer, de partager ses rêves, sa vie, ses envies, de se sentir humain, citoyen, acteur du changement, tout simplement vivant.

Que serions-nous sans le regard de l’autre, cet autre qui nous fait peur et que nous aimons pourtant?

 

Et il est également question de liberté, d’engagement, du temps qui passe et ne revient jamais et du besoin fondamental de transcender les clichés sociétaires qui peuvent nous diviser. Le dialogue entre génération est le pilier de notre humanité.

« Appartement clé-sur-porte » est un spectacle qui interpelle avec magie.

Sébastien Vanderberghe,

comédien, dramaturge et animateur dans l’asbl à travers les arts

« Bel appartement, clé-sur-porte »,

un spectacle tout public de grande qualité

L’asbl « Périple en la Demeure » sise à Limerlé, en Province de Luxembourg, a eu l’occasion de programmer, le 29 août dernier, le spectacle de marionnettes « Bel appartement, clé sur porte » de la compagnie « fil en trop », après que deux membres de l’équipe de programmation ont eu l’occasion de le découvrir à Bruxelles, et l’ont proposé comme spectacle « coup de cœur ».

Impressions

Si ce spectacle entre dans la catégorie « jeune public » par son dynamisme, la limpidité de son propos, il constitue pour le public adulte également un plaisir, car il évite toute simplification, et peut être appréhendé à différents niveaux : ironie, second degré, allusions. Il s’agit donc d’un spectacle familial dans le sens fort du terme : tout le monde y trouve son compte.

 

La scénographie est particulièrement réussie : personnages très mobiles, se partageant un espace diversifié et décloisonné, éléments de surprise, beauté des décors, ingéniosité des mécaniques, plans et cloisons basculants, évolution de la géométrie des appartements, tout cela contribue à donner de l’épaisseur, à faire de la maison un acteur à part entière

L’écriture est très poétique, tout en restant accessible. On pense à des poètes comme Raymond Queneau, Eugène Guillevic, qui réussissent à donner une dimension poétique au langage familier.

Les personnages sont identifiables, par leur tempérament, leur comportement, mais contiennent tous une part de complexité qui les rend terriblement humains. Ils forment une galerie mouvante des caractères, ont chacun une histoire personnelle qui aide progressivement à comprendre pourquoi ils se comportent de telle ou telle façon.

Le récit progresse en finesse de la juxtaposition aléatoire d’individus, plus ou moins indifférents l’un à l’autre, voire hostiles, à la création d’une micro-communauté conviviale, respectueuse, ou amoureuse. Les liens se tissent, mais ne sont pas le fruit du hasard : il y faut une obstination de tous les instants, dont les malentendus et les maladresses sont des étapes indispensables : les sentiments se construisent, ils ne tombent pas du ciel. Les coups de théâtre, proprement dramaturgiques, ne doivent rien à un « deus ex machina » mais sont tout simplement les résultats des péripéties et des surprises de l’existence, quand on travaille à les provoquer.

Le public, à la fin du spectacle, est demeuré longtemps dans un état d’émerveillement, d’éveil à la poésie, de sensibilisation au propos, et nous avons surpris de nombreuses conversations, mêlant spectateurs d’âges variés, et les nombreux enfants présents, qui prolongeaient la représentation. Il nous a été demandé explicitement de nous tenir informés des prochaines créations de la compagnie « fil en trop » et de les programmer sans faute.

Une autre demande a suivi cette représentation : l’organisation de stages de création de marionnettes et d’écriture de spectacles. Nous sommes en pourparlers avec la compagnie « fil en trop » pour mettre en place ces formations.

Conclusions

Le Décret Missions n’a pas de secret pour nous, puisque nous avons été l’opérateur de l’école expérimentale « Pédagogie Nomade ». Il nous semble évident que les objectifs de l’article 6 de ce Décret traversent constamment le spectacle « bel appartement clé sur portes », lequel peut être également lu comme une métaphore de ce que notre petit pays pourrait travailler à devenir, une communauté mixte qui cherche les conditions de coexistence non seulement pacifique, mais heureuse, au travers des valeurs fortes que sont l’émancipation, la citoyenneté responsable, et l’égalité, déclinée sur tous les modes.

Nous avons particulièrement été touchés par la dimension de démocratie très concrète qu’il véhicule, puisque les représentations sont suivies d’échanges avec le public, qui livre ses avis et impressions, dont la troupe se nourrit pour continuer à peaufiner son écriture et son jeu. C’est ainsi que la seconde représentation à laquelle nous avons assisté nous a permis de constater que la chute a été modifiée, gagnant en force symbolique et en ouverture, et nous y avons reconnu des propositions qui avaient été formulées la fois précédente.

Bref, nous recommandons chaudement ce spectacle, et pensons qu’il est utile qu’il circule, vive sa vie, soit partagé par tous les publics, y compris scolaires.

Pour « Périple en la Demeure » asbl, ce 9 décembre 2011,

Séverine Schmit

Benoit Toussaint